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Jacques Tarnero:
Le racisme (6)
ISBN 2.84113.279.X © Éditions Milan 1995
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Science et concept de race

Comment l'approche biologique, anthropologique et génétique peut-elle conforter le concept de race ou au contraire en prouver l'invalidité?
"Les individus, tous différents par leur patrimoine génétique, en raison du mécanisme de la reproduction sexuée créant toujours de nouvelles combinaisons, sont peu à peu modelés par des aventures personnelles qui accentuent encore ces différences. Ils ne peuvent, pour autant, être classés selon une échelle de valeur, du moins bon au meilleur."
Albert Jacquard,
Au péril de la science, Seuil, 1982.
Classification des espèces
Au XVIIIe et XIXe siècles, la quête scientifique consiste à classer les espèces. Le naturaliste Georges Buffon (1749-1788) présente cette distribution des êtres le long d'une échelle dont le degré supérieur est occupé par l'homme européen. Le milieu, l'environnement, serait la cause de cette supériorité et non sa nature spécifique.
Charles Darwin (1809-1882) énonce l'idée que l'évolution des espèces vivantes - et de l'homme - se fait par la sélection naturelle des plus aptes à la lutte pour la vie. Mais il n'y a pas de racisme chez Darwin. En revanche, d'autres scientifiques de l'époque vont s'orienter vers la recherche de critères physiques, susceptibles de légitimer scientifiquement une supériorité européenne.
Pierre Paul Broca (1824-1888), fondateur de la société française d'anthropologie, puis Georges Vacher de Lapouge (1854-1936), sociologue, mesurent les crânes, comparent ceux d'un singe, d'un "nègre", d'un Européen, d'un Kalmuck (peuple de Mongolie), pour déterminer un"angle facial". C'est à partir de critères morphologiques que ces classements s'opèrent au profit du "dolichocéphale nordique" face au "brachycéphale nègre". Vacher de Lapouge conclut que la "politique scientifique préfère la réalité des forces, des lois, des races, de l'évolution" aux "fictions de justice, d'égalité, de fraternité". Le projet scientifique s'est transformé en propos idéologique.

Apport de la génétique
Au début du XXe siècle, la génétique fonde l'analyse non plus sur les caractères physiques de classement mais sur les caractères transmissibles par l'hérédité. Les néo-darwiniens veulent faire la synthèse entre la théorie de l'évolution et les mécanismes génétiques de transmission du patrimoine biologique, découverts en 1865 par Gregor Mendel (1822-1884).
Peut-on alors donner une définition au concept de race? Ce serait "un ensemble d'individus ayant une part importante de leur gènes en commun et qui peut être distingué des autres races d'après ces gènes". Pour qu'une telle "race" puisse exister, il faudrait qu'elle vive dans un isolement total pendant des centaines de générations, dans un appauvrissement génétique progressif dû à son absence de diversité.

Détournement idéologique
C'est donc par leur seul dérive idéologique que l'anthropologie et la génétique ont pu servir de véhicule au racisme. Les développements actuels des sciences du vivant ont invalidé la notion de race et les catégories hiérarchiques aberrantes du "racisme scientifique". Par contre, les mêmes progrès sont porteurs de risques. L'eugénisme est désomais possible. On peut transformer le vivant, créer des espèces mutantes, et donc détourner la science biomédicale de la thérapie. Certains sociobiologistes prétendent que les avancées de la connaissance permettent aujourd'hui de dire que le comportement d'un être humain est commandé par son capital génétique.
S'il est nécessaire d'ôter au mot eugénisme sa charge historique et sa connotation politique, on ne peut pas pour autant absoudre son détournement possible. Au vu des études des sciences biomédicales, certains mettent en cause des principes politiques d'égalité dans l'organisation sociale des sociétés démocratiques. C'est pour penser ces questions en terme d'éthique et de droit que des comités d'éthique médicale ont été créés dans les pays démocratiques.

Le racisme repose sur un paradoxe de la raison: la volonté de classer, de penser en terme de théorie, confrontée à l'effet pervers de cette quête intellectuelle quand celle-ci légitime le rejet de l'autre.

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