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Jacques Tarnero:
Le racisme (24)
ISBN 2.84113.279.X © Éditions Milan 1995
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Nous remercions Jacques Tarnero et les Éditions Milan de nous avoir autorisés à reproduire ces textes.

Les questions de l'immigration

La crise sociale qui frappe les pays développés, dont la France, ne fait qu'alimenter une xénophobie transformée en machine de guerre politique.
"On la trouvait plutôt jolie, Lily
Elle arrivait des Somalies, Lily
Dans un bateau plein d'émigrés
Qui venaient tous de leur plein gré
Vider les poubelles à Paris"

Pierre Perret.
4 millions d'immigrés en France
Après la Seconde Guerre mondiale et avec la fin de la guerre d'Algérie en 1962, l'essor économique des "trente glorieuses" est à son zénith et les entreprises ont besoin de main-d'oeuvre bon marché. Le premier choc pétrolier en 1973 signe la fin des années de croissance et de plein emploi.
C'est désormais autour du chiffre stabilisé de 4 millions que se comptabilise la population étrangère (6,5% de la population sur le territoire national français). La décision prise en 1974 par le Président Giscard d'Estaing de "suspendre l'immigration" marque la volonté politique de réduire la population immigrée. L'arrivée d'un pouvoir de gauche par l'élection de François Mitterrand en 1981 à la présidence de la République fait de la question émigrée un prétexte, un enjeu du débat politique et idéologique en France. Le Front national fait de la dénonciation de la "menace immigrée" son cheval de bataille. Dès 1982, le chômage croissant et les crises urbaines mettent en relief la précarité de la cohésion sociale et la marginalisation des jeunes issus de l'émigration.

"Immigrés d'au-delà de la Méditerranée, retournez à vos gourbis."
Jean-Pierre Stirbois, Assises nationales du Front national, 30 octobre 1982.
La République à l'épreuve

Le scénario d'une juxtaposition de communautés serait à l'opposé du modèle républicain d'intégration basé sur l'idée de citoyenneté. Une interpellation de la République est induite par la question immigrée en France. Au-delà des problèmes sociaux engendrés par le chômage, c'est un défi politique qui est posé. Toute défaillance républicaine ne pourra profiter qu'aux intégristes des deux bords: néo-fascistes français et islamistes.

Intégration et problème d'identité
Les enfants de la génération précédente sont français puisque nés en France. Ils réclament l'égalité des droits au nom du droit du sol opposé au droit du sang. Cette deuxième génération, "beur" ou "black", revendique son intégration tout en étant tiraillée entre des appartenances multiples et un rejet larvé. Dans les années 80, le mouvement intégrationniste et antiraciste atteint son apogée médiatique autour de SOS Racisme et de sa petite main fétiche, "Touche pas à mon pote".

Code de la nationalité
Chaque camp politique instrumentalise pour son propre compte la question immigrée. La gauche, en faisant de l'antiracisme le soc de son identité défaillante, et la droite en affichant sa fermeté pour ne pas se laisser doubler par l'extrême droite (loi "Pasqua", 1986). Le projet de réforme du code de la nationalité (1986-88) cristallise les questions de l'identité nationale et les conditions d'obtention de la nationalité française. Le nouveau code adopté impose désormais aux enfants nés en France de parents étrangers de "manifester leur volonté" de devenir français entre 16 et 21 ans, alors que l'accès à la nationalité française était auparavant automatique par le seul fait d'être né sur le territoire national.

Danger de radicalisation religieuse
L'islam est devenu la deuxième religion de France par le nombre supposé de ses fidèles. Les estimations varient autour de 3,5 millions de musulmans partagés entre Français et étrangers musulmans. L'affaire du voile islamique (exclusion de trois lycéennes en 1989 pour port du foulard comme attribut religieux ostentatoire en classe) a mis en lumière la complexité de ces questions, où se mêlent des éléments contradictoires: rétraction sur l'identité religieuse du côté immigré/musulman, manipulation par les mouvements islamistes, toile de fond xénophobe anti-arabe, exclusion sociale. D'un côté, le discours raciste s'acharne à dénoncer chez tout immigré une menace. De l'autre, un repli identitaire, sous ses formes religieuses les plus radicales, pèse sur l'intégration de la majorité des immigrés d'origine musulmane en France.

La "question immigrée" est devenue depuis une dizaine d'années un pivot autour duquel se crispent les passions françaises.
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