© Michel Fingerhut 1996/7 ^  

 

Jacques Tarnero:
Le racisme (25)
ISBN 2.84113.279.X © Éditions Milan 1995
Reproduction interdite sauf pour usage personnel - No reproduction except for personal use only


Nous remercions Jacques Tarnero et les Éditions Milan de nous avoir autorisés à reproduire ces textes.

L'extrême droite et le Front national

"Être français ça se mérite", est un slogan du Front national au début des années 90. L'histoire de France s'inscrit dans des pages de gloire mais aussi parfois d'infamie. Être français, être citoyen, c'est d'abord faire le choix entre les symboles opposés: Manouchian ou Laval? René Char ou Robert Brasillach? Résister ou collaborer aux thèses racistes?
"C'est vrai pour les hommes comme ça l'est pour les chiens car qui ne se félicite de voir exister dans la race canine des formes aussi différentes que le bouvier des Flandres, le berger allemand, le teckel, le bouledogue ou le caniche? Que penserait-on du mélange de toutes ces races, de ce chien antiraciste?"
J. Marcilly, Le Pen sans bandeau, Grancher, 1984.

"Je ne peux pas dire que la Suisse est aussi grande que les États-Unis. Je ne peux pas dire que les Bantous ont les mêmes aptitudes que les Californiens. Beaucoup de pays que l'on qualifie de sous-développés sont en fait sous-capables".
J. Marcilly, Le Pen sans bandeau, Grancher, 1984.

Jeanne d'Arc

En s'appropriant Jeanne d'Arc, qui a bouté les étrangers/Anglais hors de France, le Front national détourne une figure nationale de l'Histoire, pour l'inscrire symboliquement dans la panoplie nationaliste et xénophobe.

L'immigré: le bouc émissaire
Aux élections municipales de juin 1995, trois villes, Toulon, Orange et Marignane, élisent un maire appartenant au Front national. À Nice, c'est un ancien du FN qui emporte la mairie. Les analyses de son électorat montrent que le FN s'est diversifié et que les classes populaires sont sensibles aux thèmes de la "préférence nationale". Le FN établit une liaison entre insécurité et immigration: les deux axes de son projet, qui ont fait mouche par l'usure et la lenteur des politiques publiques en la matière. Le climat des "affaires" affectant l'ensemble de la classe politique a favorisé le vieux réflexe anti-parlementaire du "tous pourris", si cher à une certaine tradition poujadiste de la France. Les succès du Front national sont à mettre à l'actif de la crise et des craintes multiformes qui touchent la société française. Un bouc émissaire facile est désigné: l'immigré, le maghrébin en tête, dénoncé comme la cause de tous les malheurs de l'hexagone.

"Vous pensez qu'elle (Simone Veil) se sert du fait qu'elle a été internée dans les camps de concentration?
- Oh, elle joue de la mandoline avec ça, mais elle en est revenue? Et elle se porte bien... Bon, alors quand on me parle de génocide, je dis en tout cas ils ont raté la mère Veil!"
Interview de Claude Autan-Lara, député européen FN, Globe, septembre 1989.
Vichy ressurgit
L'antisémitisme, à peine voilé dans les discours officiels, s'exprime dans des discours qui le sont moins. Les chambres à gaz comme "point de détail" de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale ou le calembour sur "Durafour-crématoire" révèlent tant les choix que l'imaginaire lepénistes. Ce sont bien les tabous et les censures qui freinaient jusqu'alors le discours xénophobe qui ont été levés par les victoires du FN depuis 1981. Ce qui était refoulé depuis Vichy ou la guerre d'Algérie (1954-1962) peut désormais prendre sa revanche.

La Nouvelle Droite
Le succès du Front national ne saurait être attribué qu'au seul militantisme de ses adhérents ou au talent oratoire de son président. Avec la disparition du Général de Gaulle en 1970 prend fin la part de l'histoire portée par les héros de la Résistance. Profitant du climat culturel amnésique et confus des années 70, ("CRS SS"), on est passé du mythe de la Résistance à son renversement. Dans le vide laissé par l'effondrement du communisme en 1989 s'engouffre le scepticisme de la Nouvelle Droite émergée pendant l'été 1979. La droite libérale qui a perdu le pouvoir, y trouve, dans les années 80, un ressourcement idéologique certain. La critique du système démocratique au nom d'un projet biopolitique inégalitaire, la surenchère sécuritaire, la dénonciation des menaces immigrées pesant sur l'identité française, la réécriture ou l'esthétisation de la période de Vichy, ce nouvel ensemble peut se lire, à ce moment-là, non seulement dans la presse d'extrême droite mais aussi dans le Figaro Magazine.
Plus récemment, et sur un autre bord, les révélations sur la jeunesse vichyste de l'ancien président de la République, François Mitterrand, ont ajouté au trouble. La gauche ayant ancré son soc idéologique dans l'antifascisme, ce passé brutalement révélé a contribué à fausser les repères ou les mythes.

La France est aujourd'hui le pays d'Europe occidentale qui a le parti politique d'extrême droite le plus puissant. Si sa représentation parlementaire reste faible, son poids idéologique est fort et menace l'idéal républicain.

<- ^ ->

____________________________

Server / Server © Michel Fingerhut 1996-2001 - document mis à jour le 09/11/1998 à 18h19m21s.
Pour écrire au serveur (PAS à l'auteur)/To write to the server (NOT to the author): MESSAGE