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Jacques Tarnero:
Le racisme (27)
ISBN 2.84113.279.X © Éditions Milan 1995
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Nous remercions Jacques Tarnero et les Éditions Milan de nous avoir autorisés à reproduire ces textes.

La lutte contre le racisme: une éducation civique

Le travail de mémoire, l'éducation civique, l'école sont les premiers vecteurs de la lutte contre le racisme. Elle passe par la reconstruction de certains repères moraux essentiels radicalement éloignés de l'air du temps actuel.
L'armée et l'affaire Dreyfus

En février 1994, le ministre français de la Défense, François Léotard, limoge le colonel Gaujeac, responsable du service historique de l'armée de terre pour avoir publié dans l'hebdomadaire Sirpa-actualités une analyse de l'affaire Dreyfus qui se termine par cette phrase: "Aujourd'hui l'innocence de Dreyfus est la thèse généralement admise par les historiens".
En 1995, un haut responsable militaire reconnaît la forfaiture passée de l'institution militaire.

Mémoire et clairvoyance
Le travail de mémoire est la première tâche qui importe à ceux qui refusent de croire que la haine est la fatalité du monde des humains. Mais bâtir un autre monde a une exigence: celle de la clairvoyance. À grands frais, une foule de commémorations officielles ont ponctué notre histoire récente sans autre bénéfice que celui du spectacle. "La mémoire vaine", dénoncée par Alain Finkielkraut, serait ce simulacre, ce "supplément d'âme" pour notre bonne conscience qui "entretient l'époque dans son mélange si caractéristique de cynisme et de sentimentalité".

Favoriser ou lisser les différences?
La clairvoyance serait aussi de ne pas céder à la séduction des formules faciles des modes idéologiques ou médiatiques. On a pu voir quelques confusions et chevauchements, révélateurs des frontières désormais floues entre des pôles politiques supposés adverses. Si les mots du racisme termettent de tuer, les mots de l'antiracisme empêchent parfois de repérer et de nommer l'ennemi. Ainsi, le "droit à la différence" et son culte ont souvent servi de masque à la promotion de leur adversaire: le racisme différentialiste et l'inégalité. On entend par racisme différentialiste la récupération, dans la stratégie sémantique du FN, de mots porteurs et positifs comme par exemple le droit des femmes. En valorisant les différences, c'est la hantise du métissage que certains ont développé. Ce déplacement de sens a profité aux partisans de la séparation ethnique (membres du FN), dénonciateurs du "racisme anti-français". Le reste appartient à la loi et à l'école qui reste le meilleur vecteur d'éducation contre les préjugés, l'amnésie et le déni de responsabilité.

"...qu'un sang impur abreuve nos sillons..."
La Marseillaise
 
Sang impur et race

Faut-il modifier l'hymne national et transformer le texte constitutionnel à cause de la présence des mots de "sang impur" et de "race"? Un antiracisme myope et sommaire pourrait le souhaiter. Les mots ont une histoire. Les dire aujourd'hui ne signifie sûrement pas en présupposer l'existence ni la pertinence. Ils participent au patrimoine historique et sont les témoins de son imaginaire.

"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion".
Article 2 de la Constitution
Mohamed, Antonio, Mamadou: "morts pour la France"
Pendant la Grande Guerre (1914-1918), des dizaines de milliers de soldats venus des colonies se battent dans les tranchées de Verdun.
Mais ces "Morts pour la France" sont peu présents dans le souvenir des ligues fascistes, qui manifestent dans les années 30 contre "l'invasion métèque", au cri de "la France aux Français". Ceux qui aujourd'hui militent pour la "préférence nationale" en sont les héritiers.
Faut-il rappeler le sang versé par les troupes coloniales pour la libération de l'Europe et de la France du joug nazi? Un Français sur quatre est d'origine étrangère. Que serait notre pays sans ces apports multiples qui ont construit son histoire. "Morts pour la France": ils se nommaient aussi Mohamed, Antonio ou Mamadou. Comme Émile Zola, défenseur du capitaine Dreyfus, ils ont oeuvré pour la vérité et de la justice.

Racisme et idée d'humanité
Le racisme est-il universel, le propre de l'homme? Le tolérer dans une attitude fataliste réduirait à néant l'idée d'humanité. Des lumières fugitives apportent un démenti à la part maudite de l'histoire. Gandhi, Korczak, Schindler, Mandela confirment la phrase de Kafka: "Quand on frappe un juif, c'est l'humanité que l'on jette à terre". On pourrait en renverser les termes: quand on sauve un homme, c'est l'humanité que l'on sauve.

La lutte contre le racisme consiste d'abord à lutter contre les préjugés mais aussi contre les démagogies et les générosités d'apparence.

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