Ce ne fut pas une guerre et, je l'ai déjà dit, le Conseil d'État de la République polonaise qui, en avril 1967, a conféré aux victimes d'Auschwitz une décoration militaire pour être morts « en luttant contre le génocide hitlérien » a montré qu'il n'avait pas compris ou pas voulu comprendre ce qui s'était passé[80]. Mais, nous dit-on, ce fut précisément une guerre. L'Anglais Richard Harwood (pseudonyme du néo-nazi Verrall) nous l'explique dans cette fameuse brochure qui déclencha la juste fureur de P. Viansson-Ponté et relança dans la bataille Faurisson (Le Monde, 17 juillet 1977 et Vérité..., p. 65-92) : « Le 5 septembre 1939, Chaïm Weizmann, président de l'Organisation sioniste (1920) et de l'Agence juive (1929), qui devint plus tard le premier président de la République d'Israël, avait déclaré la guerre à l'Allemagne au nom des Juifs du monde entier, en spécifiant que ''les Juifs font cause commune avec la Grande-Bretagne et combattront dans le camp des démocraties [...] L'Agence juive est prêteà prendre des mesures immédiates pour utiliser la main d'oeuvre juive, la compétence technique et les ressources juives, etc." (Jewish Chronicle, 8 septembre 1939). » Peu importe, bien sûr, que Weizmann n'ait eu ni qualité pour parler au nom des Juifs du monde entier, ni d'ailleurs l'intention de le faire [81]. Dirigeant sioniste, étroitement lié avec l'Angleterre, malgré le conflit provoqué par la politique anglaise d'arrêt de l'immigration en Palestine, il a parlé, comme à la même époque Ben Gourion, au nom des siens et d'une idéologie minoritaire. Les sentiments des Juifs américains, par exemple, n'étaient pas douteux, mais personne ne pouvait déclarer la guerre en leur nom. Non content de répéter « Harwood », Faurisson y ajoute une erreur fort significative : « En la personne de Chaïm Weizmann, président du Congrès juif mondial [...], la communauté juive internationale a déclaré la guerre à l'Allemagne le 5 septembre 1939 » (Vérité..., p, 187, même indication p. 91, n.). Le président du Congrès juif mondial était alors le rabbin américain Stephen Wise. Mais, à défaut de pouvoir disposer d'un porte-parole du judaïsme international, le mieux est encore de l'inventer. Cette « déclaration de guerre » est, précise Faurisson, la suite des mesures de boycottage économique de l'Allemagne nazie décidées par « la communauté juive internationale en rétorsion des mesures antisémites prises par Hitler ». C'est tout simple: « Cet engrenage fatal allait conduire, de part et d'autre, à une guerre mondiale » (Vérité..., p. 187) [82]. Une fois le vin tiré, il faut le boire, la guerre a eu lieu, « le soldat allemand mène un féroce combat contre les partisans [...] y compris, s'il le fallait, contre les femmes et les enfants mêlés aux partisans », mais, Faurisson nous le précise : « L'armée donne les ordres les plus draconiens pour qu'aucun soldat allemand ne participe à des excès sur la population civile, Juifs y compris. » Mieux : on peut dire de la Wehrmacht, SS compris, « qu'elle a été, d'une certaine façon, moins redoutable pour les civils non combattants que beaucoup d'autres armées » (Vérité..., p. 187 et 211, n. 45). Les Einsatzgruppen n'ont apparemment pas existé.
A partir de là, il devient possible de tout expliquer, de tout justifier. L'étoile juive ? Une mesure militaire. « Hitler se préoccupait peut-être moins de la question juive que d'assurer la sécurité du soldat allemand » (Vérité..., p. 190) [83]. Beaucoup de Juifs parlaient allemand et on les soupçonnait de pratiquer « l'espionnage, le trafic d'armes, le terrorisme, le marché noir ». Les enfants qui portaient l'étoile à partir de six ans ? Faurisson a réponse à tout : « Si l'on reste dans le cadre de cette logique militaire, il existe aujourd'hui suffisamment de récits et de mémoires où des Juifs nous racontent que dès leur enfance ils se livraient à toutes sortes d'activités illicites ou de résistance aux Allemands » (Vérité..., p, 190).
Et, dans cette même page que l'on devrait faire figurer dans une anthologie de l'immonde, Faurisson nous montre, par un exemple précis, que les Allemands avaient bien raison de se méfier : « Ils redoutaient ce qui allait d'ailleurs se passer dans le ghetto de Varsovie où, soudain, juste à l'arrière du front, en avril 1943, une insurrection s'est produite. Avec stupéfaction, les Allemands avaient alors découvert que les Juifs avaient fabriqué 700 blockhaus. Ils ont réprimé cette insurrection et ils ont transféré les survivants dans des camps de transit, de travail, de concentration. Les Juifs ont vécu là une tragédie. » Il n'est pas inutile de lire cette page d'un peu plus près. Tout appel de note a charitablement disparu, mais la note 48 de la page 211 nous permet d'apprendre la source de Faurisson et de le surprendre au travail. Son « informateur », comme disent les ethnologues, est le Reichsführer SS Heinrich Himmler en personne, et plus précisément son discours de Posen (Poznan) le 6 octobre 1943 : « J'ai nettoyé de grands ghettos juifs dans les territoires de l'arrière. Dans un ghetto de Varsovie, nous avons eu des combats de rue pendant quatre semaines. Quatre semaines ! Nous y avons démoli environ sept cents bunkers [84]. »
Faurisson intervient sur ce texte et sur cet événement à de multiples niveaux, d'abord en ajoutant à l'indication de Himmler : « dans les territoires de l'arrière » (in den Etappengebieten), les petits mots « juste » et « front » qui le rendent cohérent avec sa logique militaire. Le lecteur peut ainsi oublier que le « front » était alors très loin, à plus de 1000 kilomètres, modifications étonnantes de la part de ce maniaque de la note et de la précision [85], mais le « front », n'est-ce pas ?, est une notion ambiguë. De l'événement lui-même, qui intervient alors que le ghetto est aux trois quarts vidé de sa population par des déportations massives, le lecteur ne saura rien. Ici encore, le maître de Faurisson s'appelle Himmler qui, le 21 juin 1944 à Sonthofen, essaya de faire croire aux généraux allemands qu'il avait dû affronter, au ghetto de Varsovie, non une poignée de combattants, mais « plus de cinq cent mille Juifs » qu'il a fallu liquider « en cinq semaines de combats de rue » (Discours secrets, p. 207). Silence également sur le contexte immédiat du discours du 6 octobre 1943 qui voit Himmler protester contre la tyrannie de l'économie, si souvent invoquée par les révisionnistes : « Ce ghetto fabriquait des manteaux de fourrure, des vêtements, etc. Avant, quand on voulait y entrer, on vous disait : "Halte ! Vous entravez l'économie de guerre ! Halte ! Fabrique d'armement !" » (Discours secrets, p. 169). Silence sur tout cela, mais un avertissement, dans cette même note 48, p. 211, à propos des Discours secrets : « Cet ouvrage est à utiliser avec précaution et surtout sa traduction en français. » Pourquoi cette précaution ? Nous le savons déjà, en lisant le discours de Posen, le lecteur risquerait d'apprendre, à la page précédente, que Himmler avait donné l'ordre de tuer (umbringen) les hommes, les femmes et les enfants du peuple juif. Assurément, dans cette guerre-là, Himmler n'a pas été vaincu.
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