© Michel Fingerhut 1996/7

Martine Aubry et Olivier Duhamel:
Petit dictionnaire pour lutter contre l'extrême-droite (T)
Éditions du Seuil (©) Octobre 1995. ISBN 2-02-029984-4
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Introduction - A - B - C - D - E - F - G - H - I - J - L - M - N - O - P - R - S - T - U - V - X - Annexe 1 - Annexe 2

Taux d'activité

Les étrangers actifs sont 1,5 million dans notre pays et représentent 6,8% de la population active. Le taux d'activité des hommes étrangers est de 69,1% contre 63,2% pour les Français. Hommes et femmes confondus, les étrangers ont un taux d'activité de 1% supérieur aux Français. Cela signifie, contrairement aux préjugés véhiculés complaisamment, qu'ils contribuent au moins autant que les Français, par leurs cotisations sociales et leurs impôts, au financement de la protection sociale et des dépenses publiques.

Télévision

Comment traiter l'extrême-droite à la télévision ? Certes pas comme un spectacle ordinaire et audimateux [Voir Médias]. Comment traiter Le Pen ? Anne Sinclair refuse de l'inviter à 7 sur 7 : « Si demain quelqu'un proposait de tuer tous les mongoliens, faudrait-il l'inviter, sous prétexte que c'est une opinion ? Non, bien sûr. On banalise aujourd'hui un certain nombre d'idées considérées comme des opinions, alors qu'il s'agit, en réalité, de délits » (Télérama, 9 mai 1990). À cette objection de principe s'ajoute pour l'animatrice de 7 sur 7 une raison personnelle : « Je ne vois pas au nom de quel masochisme j'inviterais quelqu'un qui, dans ses meetings, dans ses journaux, m'insulte par des déclarations antisémites violentes. Je ne cesse de le poursuivre et je gagne d'ailleurs tous mes procès contre lui. » Et lorsque la campagne présidentielle de 1995 imposa la présence de Le Pen à l'émission politique phare de TF1, Anne Sinclair céda sa place à Gérard Carreyrou.

À l'opposé, François-Henri de Virieu ne voyait aucun problème à ce que Le Pen soit un invité fréquent de L'Heure de vérité. « C'est simple, Le Pen représente 10% des électeurs, je le reçois une fois par an » (ibid.). Allant plus loin dans la légitimation involontaire de Le Pen, il ajoute, reprenant implicitement à son compte le point de vue du leader de l'extrême droite : « Un jour, il m'a dit : "Je joue un rôle social très important en canalisant vers moi des pulsions qui, sans moi, conduiraient à l'explosion." » Bref, Le Pen contribuerait à apaiser notre démocratie !

Entre ces deux points de vue radicaux, les autres journalistes politiques interrogés sur le sujet, Jean-Marie Cavada, Alain Duhamel, Albert du Roy et Pierre-Luc Séguillon, s'accordaient pour dire qu'il ne fallait pas traiter Le Pen agressivement, car cela se retournait en sa faveur, mais que leur rôle consistait à exercer leur métier de la façon la plus aiguë possible, pour mettre en valeur le danger de certaines de ses propositions et le vide du reste.

Se pose quand même, ici encore, la question de la limite. Lorsque Le Pen dérape dans la xénophobie ou le racisme, il semble indispensable de le rappeler, d'évoquer, calmement mais fermement, que ces propos tombent sous le coup de la loi. Bref, de ne pas le servir par des agressions qui le posent en victime, mais de ne pas le légitimer par une banalisation qui le présenterait comme un homme politique ordinaire.

Voir Ignorance de l'autre, Presse.

Témoin

Qu'il s'agisse de propos, d'injures, de menaces, d'agressions, verbales ou écrites, ou de discriminations à caractère raciste, les victimes ou les témoins doivent disposer d'un certain nombre d'éléments pour pouvoir saisir la justice.

Il convient de disposer de manière la plus claire possible :

La plainte peut être déposée au commissariat de police ou auprès du procureur de la République au Palais de justice ; le doyen des juges d'instruction peut aussi être saisi par l'intermédiaire d'un avocat d'une plainte, avec constitution de partie civile.

Terrorisme

Le terrorisme aveugle, à l'encontre de n'importe qui, est immonde, est-il besoin de le dire ? À cette abjection de principe et de fait, les attentats terroristes de l'été 1995 en France ajoutent une absurdité, sauf pour les tenants de la politique du pire : ils fabriquent, inéluctablement, du racisme antimaghrébin.

Il suffit de prendre le métro et de regarder les passagers pour voir l'inquiétude sur leurs visages lorsque monte dans la rame un Maghrébin. Comment ne pas comprendre ces sentiments ? Si nous étions l'objet d'attaques terroristes de la part d'une secte japonaise, nous éprouverions de l'inquiétude lorsqu'un Japonais jette un vieux sac dans une poubelle...

Cela compris, comment ne pas aussi s'inquiéter ? La tâche de responsables politiques dignes de ce nom consiste à contenir les effets racistes du terrorisme. Et c'est bien là où le bât blesse, car la politique anti-immigrés de Pasqua et ses amis a entretenu tous les amalgames et, ainsi, amplifié les dérives racistes au lieu de les contredire. A ce terrain défavorable s'ajoutent des carences graves lors de la vague terroriste elle-même. Le contraste est ici frappant avec l'esprit de responsabilité qui prévalut durant la guerre du Golfe. Des dirigeants politiques, religieux, associatifs, médiatiques, surent alors trouver les gestes et les mots pour que la guerre qui nous opposait à l'Irak ne dégénère pas en un face-à-face avec les musulmans de France. Rien de tel en 1995. La mise en cause de la « piste islamique », dans ce vocabulaire incroyablement généralisateur, le traitement exclusivement policier du problème, les semaines, les mois, les années d'amalgames et de contrôles au faciès, tout concourt alors à amplifier ce qu'il faudrait réduire. Si l'on continuait durablement sur ce mode, les terroristes, quels qu'ils soient, risqueraient de mettre en cause le modèle français d'intégration, d'obtenir les radicalisations qu'ils espèrent et d'accentuer les fractures qui les servent.

Torture

Voir Justice.

Toulon

Voir Troc.

Troc

Jean-Claude Poulet-Dachary, adjoint au maire et directeur de cabinet de Jean-Marie Le Chevallier à Toulon, a été élu président du Syndicat intercommunal des transports en commun de l'aire toulonnaise, le 27 juillet 1995. Des élus UDF ont préféré à la tête du SITCAT un FN au vieux maire communiste de La Garde, le consensuel Maurice Delplace. « Le "cordon sanitaire républicain" a fait long feu », titre Var-Matin, qui explique cette manoeuvre par « la pression de quelques élus nationaux de l'UDF qui, promettant aux lepénistes le leadership du SITCAT, auraient obtenu en contrepartie la mansuétude, voire une complicité réelle lors des élections sénatoriales du mois de septembre. » Et Claude Ardid d'ajouter : « Cette tactique ressemble à s'y méprendre à la stratégie électorale de l'UDF et du RPR en 1988. Cette année-là, Maurice Arreckx, tête de proue de la majorité, avait préféré Yann Piat (FN) dans la 3e circonscription au social-démocrate Gaston Biancotto. L'extrême-droite avait alors gagné. L'histoire politique du Var est-elle en train de bégayer ? » (Var-Matin, 28 juillet 1995).

Le 28 août, M. Poulet-Dachary était retrouvé mort dans la cage d'escalier de son immeuble, sans que l'on sache s'il s'agissait d'un accident (la victime avait 1,3 gramme d'alcool dans le sang) ou d'un crime (il avait été l'objet de menaces) - et, dans cette hypothèse, de quel type.

Le Front national a prospéré avec le rejet du système politico-mafieux qui a trop longtemps contrôlé Toulon et une partie du Var. L'incapacité de la droite « républicaine » à s'en démarquer franchement, celle de la gauche à offrir une alternative crédible ont ouvert l'espace politique dans lequel s'est engouffrée l'extrême-droite méridionale.

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